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Ekaterini SAKELLAROPOULOU

Ekaterini SAKELLAROPOULOU

juge et première femme présidente du Conseil d'État grec, en fonction depuis octobre 2018.

Elle est élue présidente de la République hellénique le 22 janvier 2020. Son entrée en fonction est prévue le 13 mars.

Biographie

Ekateríni Sakellaropoúlou est née à Thessalonique en 1956. Sa famille est originaire de Stavroupoli, dans le nome de Xánthi. Elle étudie le droit à l'université nationale et capodistrienne d'Athènes et complète ses études supérieures en droit public à l'université Panthéon-Assas, en France.

Au milieu des années 1980, elle est admise au Conseil d'État et est promue au poste de conseiller en 2000. En octobre 2015, elle est nommée vice-présidente du Conseil d'État, puis, en octobre 2018, présidente de ce Conseil.

Elle a acquis une notoriété plus forte en étant ainsi élevée au rang de première femme à la tête de la plus haute cour du pays .

Sa sensibilité aux libertés civiles, aux questions écologiques et aux droits des minorités et des réfugiés, a incité le gouvernement SYRIZA, d'Aléxis Tsípras, à la retenir à ce poste. Sa désignation comme présidente du Conseil d'État grec est considérée également comme une volonté, de la part de ce gouvernement, de respecter cette institution.

Elle publie régulièrement dans des revues académiques. Elle a également contribué à l'ouvrage Crise financière et protection de l'environnement dans la jurisprudence du Conseil d'État (en grec : Οικονομική κρίση και προστασία του περιβάλλοντος στη νομολογία του της Επικρατείας

Le Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, la propose le 16 janvier 2020 comme candidate à la présidence de la République, pour succéder à Prokópis Pavlópoulos, dont le mandat s'achève le 13 mars 2020. Elle est considérée comme une personnalité apolitique, ou, plus exactement, au-dessus des partis, bien que progressiste, et une telle proposition, émise par un Premier ministre issu d'un parti conservateur, est considérée comme un signe de recherche d'unité du pays. Les députés confirment ce choix lors de l’élection présidentielle, le 22 janvier 2020. D'après le chef de l'opposition parlementaire Aléxis Tsípras, "[elle] a toujours vigoureusement servi la justice, la protection des droits individuels et la neutralité religieuse de l’État [...] Son élection récompensera les valeurs progressistes qu’elle a défendues en tant que juge"

Première femme élue à la présidence hellénique, l’ex-présidente du Conseil d’Etat s’est distinguée par ses valeurs progressistes : elle a notamment soutenu la suppression de la mention de la religion sur les cartes d’identité grecques au début des années 2000 et une loi permettant aux enfants nés de parents étrangers, mais ayant effectué la majorité de leur scolarité en Grèce, d’obtenir la nationalité grecque.

"La solidarité entre Etats, mais aussi envers les réfugiés, est essentielle"

Première femme à ce poste, la présidente grecque appelle les pays européens à partager le poids de la crise migratoire.

Au Palais présidentiel, Ekaterini Sakellaropoulou, 64 ans, a pris ses marques au milieu d’une bibliothèque du XIXe siècle et de tableaux glorifiant le philhellénisme : au coin de son bureau, trônent des plantes vertes et l’aire de jeu de Calypso, son chat de quelques mois, adopté sur l’île de Karpathos. Première femme élue à la présidence hellénique, l’ex-présidente du Conseil d’Etat s’était distinguée pour ses valeurs progressistes : elle avait notamment soutenu la suppression de la mention de la religion sur les cartes d’identité grecques au début des années 2000 et une loi permettant aux enfants nés de parents étrangers, mais ayant effectué la majorité de leur scolarité en Grèce, d’obtenir la nationalité grecque. Un an après sa nomination, le 13 mars 2020, Ekaterini Sakellaropoulou fait le bilan de cette année particulière jalonnée par la crise sanitaire, les tensions avec la Turquie et le défi de l’accueil des réfugiés en Europe.

Vous êtes la première femme à accéder à la présidence en Grèce et vous provenez de la société civile. Votre nomination était-elle inattendue ?

J’ai été très surprise de ma nomination. Je n’appartiens pas à la classe politique mais, ce qui a sans doute guidé le choix du premier ministre qui m’a proposée comme candidate, c’est que j’ai été juge pendant trente-huit ans. Le Conseil d’Etat que j’ai présidé se prononce sur tous les grands sujets politiques du pays, et cela a été une expérience précieuse qui m’a guidée dans ce nouveau rôle de présidente. La société grecque voulait aussi être témoin d’un changement à la tête du pays et a été très contente de voir qu’une femme accède enfin à un poste politique de premier rang. De nombreuses femmes grecques ont été émues et m’écrivent. Elles voient en ma nomination un symbole que les femmes peuvent désormais réussir dans tous les domaines. Il y a encore de nombreuses batailles à mener pour l’égalité entre les hommes et les femmes en Grèce mais il y a des progrès. Il aura fallu la fin des années 1950 pour qu’une femme siège au Conseil d’Etat, et 2018 pour que je devienne la première présidente de la plus haute instance judiciaire du pays. Désormais, dans les métiers de justice, les femmes sont majoritaires.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé cette année particulière pour vous. Comment avez-vous vécu cette crise sanitaire ? Comment votre pays a-t-il géré cette situation inédite ?

Avec la pandémie, mes déplacements ont été restreints. Une des initiatives que j’ai prises quand j’ai été nommée a été de créer des comptes pour la présidence sur tous les réseaux sociaux pour faciliter la communication avec les citoyens. Le président en Grèce ne fait ni ne poursuit une politique, cela relève du gouvernement. Mais sur des sujets comme la culture, l’environnement, les droits de l’homme, j’essaie de faire passer des messages et cela passe désormais aussi par les nouvelles technologies.

Au-delà de mon cas personnel, pour la Grèce, cette pandémie est arrivée à un moment crucial après une crise économique longue de dix ans. La société grecque avait déjà traversé de nombreuses épreuves. C’est sans doute pour cela que, lors du premier confinement, les Grecs ont fait preuve d’une grande discipline face aux mesures prises pour endiguer la propagation de l’épidémie.

La première vague a été gérée d’une manière impressionnante et même si désormais la situation est plus critique, comparativement à d’autres pays, nous déplorons moins de morts du coronavirus [plus de 7 400] et nous espérons pouvoir avancer rapidement dans la vaccination. Le vaccin est notre seul espoir. Un aspect positif de cette crise en Grèce est que les citoyens ont respecté la parole des scientifiques.

Mais les conséquences économiques des restrictions imposées pour contenir la pandémie (confinement depuis novembre avec magasins, restaurants, salles de spectacle fermés) risquent d’être dramatiques pour votre pays… Des mesures ont été prises pour soutenir les professionnels et les populations les plus vulnérables (baisse du loyer, aide aux personnes en chômage partiel…). Mais, évidemment, nous craignons que le pays ne doive faire face de nouveau à une récession [chute prévue du PIB de 10,5 % en 2020]. L’Europe est restée debout face à cette conjoncture et a heureusement proposé un plan de relance pour tous les pays, ce qui devrait nous aider.

Mais la Grèce doit aussi tout faire pour que le secteur-clé de son économie, le tourisme, ne souffre pas autant qu’en 2020. Nous voulons, cet été, pouvoir accueillir des touristes européens en toute sécurité et c’est pourquoi le premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, insiste sur la nécessité de mettre en place rapidement un « passeport vaccinal » au niveau européen.

L’année 2020 a aussi été marquée par les fortes tensions avec la Turquie. La situation s’apaise-t-elle ?

Les tensions avec la Turquie ont commencé juste avant que je prenne mes fonctions, dans la région frontalière de l’Evros. La Turquie a instrumentalisé la question migratoire en voulant laisser passer des milliers de migrants en Europe. Athènes a réussi, avec l’appui de ses partenaires européens, à protéger ses frontières, qui sont aussi celles de toute l’Europe. Mais Ankara a ensuite continué d’avoir des actions unilatérales et agressives envers la Grèce en mer Egée, où un bateau turc de prospection sismique, accompagné de navires de guerre, avait été envoyé près des îles grecques. La Grèce s’appuie sur le droit international et les règles de bon voisinage, elle les respecte et attend de ses voisins qu’ils en fassent autant.

Mardi 16 mars se tenait à Athènes la deuxième phase des pourparlers entre diplomates grecs et turcs pour tenter de résoudre les différends. Si la Turquie montre qu’elle est réellement disposée à discuter et à régler les conflits, nous le sommes nous aussi. Nous voulons améliorer nos relations.

Face à la Turquie, la Grèce a trouvé un allié de taille : la France. Paris et Athènes ont signé des contrats d’armement importants. Comment définiriez-vous les liens entre la Grèce et la France ?

Nous fêtons cette année les 200 ans de la guerre d’indépendance grecque. Des artistes français s’étaient alors mobilisés aux côtés de la Grèce lorsqu’elle s’est soulevée contre l’occupation ottomane. J’aurais été très heureuse d’accueillir le président Macron [la visite a été annulée du fait de la situation sanitaire en France] pour les célébrations organisées à Athènes pour le 25 mars [commémorant le début de l’insurrection]. Les liens entre la France et la Grèce sont très forts dans tous les domaines, au niveau culturel, politique, économique, mais aussi personnel : de nombreux Grecs ont trouvé refuge en France après la guerre civile, ou lors de la dictature, et toute une partie de la population a appris le français à l’école. Avec la crise en Méditerranée orientale, nos deux pays se sont de nouveau rapprochés car le président Macron, avant les autres responsables politiques européens, a très bien compris le danger que pouvaient représenter les actions turques dans la région non seulement pour la Grèce mais pour toute l’Europe.

La Grèce est en première ligne dans l’accueil des demandeurs d’asile en Europe depuis 2015. Déplorez-vous le manque de solidarité européenne sur cette question ?

Depuis six ans, la Grèce a porté un poids disproportionné par rapport à d’autres pays dans la gestion de la crise migratoire. La lassitude a gagné les populations sur les îles de la mer Egée qui accueillent des camps. La solidarité entre Etats, mais aussi envers les réfugiés qui ont fui des régimes autoritaires où leur vie est en danger, est essentielle.

Il y a malheureusement des Etats en Europe qui refusent systématiquement d’accueillir des demandeurs d’asile. Les principes humanistes européens ne doivent pas être enterrés face à la montée des extrémismes. L’Europe est face à un défi : garder son unité et préserver ses valeurs, l’Etat de droit, les libertés individuelles… Dans la gestion de la crise migratoire, l’Europe est déjà présente dans le contrôle des frontières grâce au déploiement des équipes de Frontex et les flux migratoires ont considérablement diminué. Mais nous espérons aussi que le nouveau pacte pour la migration et l’asile discuté par la Commission européenne permettra une répartition plus équitable des demandeurs d’asile en Europe.

Publié le 22/03/2021, in Le Monde
Marina Rafenberg(Athènes, correspondance)