Nos grandes Européennes
Maia SANDU

Maia SANDU

Maia Sandu naît et grandit dans le village de Risipeni,le 24 mai 1972? district de Falesti, en Moldavie. Sa mère est professeur de musique, et son père est vétérinaire.

Maia Sandu étudie l'économie et le droit entre 1989 et 1994 à l'Académie d'études économiques de Moldavie. De 1995 à 1998, elle étudie les relations internationales à l'Académie d'administration publique de Moldavie, en obtenant une maîtrise en relations internationales, puis, de 2009 à 2010, à la Harvard Kennedy School of Government (États-Unis), où elle obtient une maîtrise en administration publique.

Carrière professionnelle

1994–1998 : consultante, cheffe adjointe du ministère de l'Économie
1998-2005 : économiste, bureau de la Banque mondiale en Moldavie
2005-2006 : directrice de la Direction générale des politiques macroéconomiques et des programmes de développement du ministère de l'Économie
2007 : coordinatrice de programme au Programme des Nations Unies pour le développement
2007-2009 : consultante sur la réforme de l'administration publique centrale
2010-2012 : conseillère au bureau exécutif de la Banque mondiale, à Washington, pour les relations avec les pays de l'ancien bloc de l'Est

Parcours politique : de Ministre de l'Éducation à Premier Ministre

Du 24 juillet 2012 au 30 juillet 2015, elle est ministre de l'Éducation publique. Elle fait installer des centaines de caméras dans les centres d’examens du baccalauréat afin de lutter contre les achats de bonnes notes. Selon Transparency International, le montant des pots-de-vin versés dans l'éducation au cours des deux premières années de son ministère a diminué avec 50 %.

En mai 2016, Maia Sandu crée le Parti action et solidarité (PAS) dont elle devient présidente. Elle est ensuite candidate à l'élection présidentielle en octobre-novembre de la même année pour la coalition pro-européenne « Action et solidarité » et recueille 38,4 % des suffrages à l'issue du premier tour, derrière le candidat pro-russe Igor Dodon qui obtient 47,9 % des suffrages. Au second tour, ce dernier s'impose par 52,11 % des voix.

Lors des élections législatives du 24 février 2019, le PAS se présente avec la Plateforme vérité et dignité (DA) dans l'alliance Acum (« maintenant ») qui termine à la troisième place en obtenant 26,84 % des voix et 26 sièges de députés. Après plus de trois mois de tractations infructueuses pour constituer un nouveau cabinet, un accord est passé le 8 juin suivant entre le PSRM et ACUM pour former un nouveau gouvernement avec Maia Sandu comme Premier ministre. Le lendemain cependant, la Cour constitutionnelle conteste le processus et suspend le président Igor Dodon de ses fonctions pour les transférer au Premier ministre sortant Pavel Filip. Ce dernier annonce alors la dissolution du Parlement et de nouvelles élections pour le 6 septembre suivant. Le 11 juin, le président Dodon annule la dissolution du Parlement. Le 14 juin, Filip annonce la démission du gouvernement mais continue de réclamer des législatives anticipées.

Un désaccord sur une réforme du mode d'élection du procureur de la République, voulue par la Première ministre, mène le 6 novembre au dépôt par le Parti des socialistes d'une motion de censure, qui est votée le 12 novembre, avec le soutien des démocrates, par 63 voix sur 101. Les différentes formations politiques disposent alors de trois mois pour s'entendre sur un nouveau gouvernement, faute de quoi le Parlement sera dissous, entraînant des élections législatives anticipées.

Le 13 novembre, Ion Chicu est chargé de former un gouvernement. Le gouvernement Chicu est approuvé le lendemain par le Parlement.

Maia Sandu : "Le président sortant de Moldavie essaie de truquer les élections"

En ce mois de novembre, la Moldavie doit désigner son nouveau président sur fond de divisions. Les Moldaves doivent trancher entre Est et Ouest, entre le sortant pro-russe Igor Dodon et son adversaire pro-européenne Maia Sandu. Nous leur avons demandé une interview : seule Maia Sandu, ancienne Première ministre de Moldavie, a accepté.

Rosie Wright, euronews :

"Comment tentez-vous de convaincre les électeurs moldaves qui sont extrêmement divisés de voter pour vous ?"

Maia Sandu, ancienne Première ministre de Moldavie et candidate à la présidentielle :
"Tout d'abord, la Moldavie est à la croisée des chemins : soit elle devient un État qui fonctionne avec une équipe dirigeante compétente, soit elle devient un État en faillite. Un État qui fonctionne, cela veut avant tout dire un État qui éradique la corruption, un État qui encourage les entreprises et en retour, les entreprises créent des emplois, financent les retraites et payent les salaires. C'est aussi simple que cela. Et c'est ce que tous les Moldaves veulent. Par exemple, à l'heure actuelle, un tiers des entreprises moldaves sont au bord de la faillite parce que les autorités actuelles n'ont pas du tout soutenu l'économie. Aujourd'hui, la plupart des retraités reçoivent une pension dont le montant est inférieur au seuil de pauvreté. Ce sont des difficultés auxquelles tous les Moldaves sont confrontés quelles que soient leurs préférences en matière de géopolitique. Et nous essayons d'unir la population autour de ces objectifs."

"Notre politique étrangère est totalement déséquilibrée"

Rosie Wright :
"Nous parlerons de la corruption dans un instant. Mais évoquons comme vous venez de le faire, la situation géopolitique de la Moldavie : vous avez dit au sujet de votre future politique étrangère qu'il était temps de relancer une dynamique, une politique étrangère responsable. En quoi devrait-elle consister ? Et quelle est votre vision du positionnement géopolitique de la Moldavie ?"

Maia Sandu :
"Sous la présidence actuelle, la politique étrangère de notre pays a été totalement déséquilibrée. Par exemple, la Moldavie a deux voisins : la Roumanie et l'Ukraine. Et lors du mandat du président Igor Dodon, les relations avec ces pays ont été totalement gelées. Les relations déjà mauvaises avec l'Union européenne et les États-Unis se sont encore dégradées parce que Igor Dodon a essayé d'établir de bonnes relations uniquement avec la Russie. Mais même avec la Russie, il a utilisé cette relation dans son intérêt personnel et non pas pour résoudre les problèmes du pays. Et on sait que la Russie ne fournit aucune assistance technique, aucune aide au développement. C'est pour cela que nous devons revenir à une politique extérieure équilibrée et renouer de bonnes relations avec la Roumanie, l'Ukraine, l'Union européenne et les États-Unis. J'ai aussi plaidé pour l'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne. Et je vais continuer de le faire en tant présidente."

Rosie Wright :
"Revenons aux divisions au sein de votre pays : les uns sont pro-occidentaux, les autres sont pro-russes. Comment voulez-vous essayer de rassembler ces deux camps en tant que présidente et trouver un compromis ?"

Maia Sandu :
"Comme je l'ai dit, la plupart des Moldaves - ou peut-être - tous les Moldaves veulent avoir un bon niveau de vie dans leur pays. Ils veulent en finir avec la corruption. Permettez-moi de vous rappeler qu'un tiers de notre population a quitté le pays par manque de perspectives. Ce sont des questions que nous devons régler. Nous avons besoin d'un président qui défendra les intérêts nationaux de la Moldavie, peu importe que cela touche nos relations avec la Russie ou celles que nous avons avec d'autres pays et nous nous engageons à revenir à une politique étrangère équilibrée.

"Mettre fin à la corruption, construire un État solide"

Rosie Wright :
"Au sujet du rapprochement de votre pays avec l'Union européenne que vous souhaitez, il y a aussi le fait que la Commission européenne a dit plusieurs fois à la Moldavie, son inquiétude sur le respect de l'état de droit et sur la corruption. Si vous êtes élue, qu'allez-vous faire face à la corruption et aux atteintes à l'état de droit ?"

Maia Sandu :
"C'est une question qui nous a poussés, mes collègues et moi, à entrer en politique parce que quand nous avons découvert que les autorités avaient volé des milliards au peuple moldave, nous nous sommes dit qu'il était temps d'arriver au pouvoir et de faire le ménage dans la classe politique de Moldavie. Et nous nous sommes battus pour avoir une justice indépendante, pour avoir des institutions anti-corruption solides. Nous avons entamé ces réformes l'an dernier quand j'étais Première ministre. À un moment donné, les politiciens corrompus ont destitué le gouvernement. Mais une fois élus, nous allons continuer dans cette voie. C'est l'un de nos principaux objectifs, de mettre fin à la corruption, de construire un État solide avec des institutions qui fonctionnent, qui défendront la population et feront respecter l'état de droit."

Rosie Wright :
"Y aura-t-il si vous êtes élue, une refonte complète du système judiciaire ?"

Maia Sandu :
"Absolument. C'est la réforme que j'ai proposée l'an dernier : à savoir de faire le ménage dans le monde de la justice et parmi les procureurs. Et c'était l'une des raisons majeures pour lesquelles la classe politique corrompue a limogé le gouvernement. Mais cela reste l'un des principaux objectifs de mon programme présidentiel."

Vers des contestations comme au Bélarus ?

Rosie Wright :
"Quand nous aurons les résultats de cette élection, je sais que vous avez déjà mis en garde contre un scénario semblable à ce qui s'est passé au Bélarus, avec d'éventuelles protestations de masse dans les rues. Jusqu'à quel point - si cela se produit - , la Moldavie sera-t-elle capable de supporter cela d'un point de vue financier, mais aussi de gérer cette contestation au niveau social ?"

Maia Sandu :
"Nous voulons des élections libres et justes. C'est ce que nous disons et répétons aux autorités. Le problème, c'est que le président sortant Igor Dodon sait qu'il ne peut pas gagner les élections, il ne peut pas se maintenir pour un deuxième mandat en cas d'élections libres et justes, parce que jusqu'à maintenant, les électeurs ont vu qu'il était corrompu, qu'il mentait et qu'il était incompétent. Donc il essaie de truquer les élections. Nous lui avons adressé des messages forts pour l'empêcher de faire cela. Mais s'il poursuit dans cette voie, nous l'avertissons que la population descendra dans la rue parce que c'est ce que les gens nous disent. Nous avons vécu les expériences de 2016, les élections parlementaires de 2019 quand le scrutin n'était ni libre, ni juste. Et les gens ont dit : ça suffit !"

Rosie Wright :
"Pourquoi êtes-vous cette fois, si sûre de vous quand vous dites que ces élections ne seront ni libres, ni justes. Quelles preuves avez-vous pour affirmer cela ?"

Maia Sandu :
"Certaines choses sont déjà en train de se passer. Nous en avons fait l'expérience, par exemple quand le régime de Vlad Plahotniuc aux côtés d'Igor Dodo a organisé l'achat de votes en Transnistrie, une région sécessionniste : nous avons eu énormément de preuves dans la presse sur le fait que des gens avaient été transportés vers les lieux de vote et qu'ils avaient reçu de l'argent pour leur vote. Et puis, on constate sur la rive droite du fleuve Dniestr qu'à nouveau, des électeurs ont été payés pour leur vote, en particulier les plus pauvres, c'est là que les politiciens corrompus moldaves ont fait cela."

"Soutenir le secteur de la santé et les entreprises"

Rosie Wright :
"Ma dernière question concerne l'un des grands défis qui vous attend - vous ou l'actuel président une fois en poste - : c'est la pandémie de coronavirus. Le nombre de cas augmente de manière continue en Moldavie. Comment voulez-vous vous y attaquer, assurer la sécurité de la population sans paralyser l'économie ?"

Maia Sandu :
"La situation est vraiment très mauvaise. Et la première chose à faire, c'est de tester plus. Les autorités moldaves ont été sourdes aux conseils du monde médical. Elles ont fait tester très peu de monde, elles n'ont pas pris de mesures pour isoler ceux qui étaient malades. Ensuite, évidemment, nous devons aider le secteur de la santé qui est en première ligne et aider les soignants. Ce sont les priorités, mais en termes de crise économique, nous devons aussi agir immédiatement parce que comme je l'ai dit, un tiers des entreprises moldaves sont au bord de la faillite et nous devons trouver de l'argent et soutenir notamment financièrement une partie de ces entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises."

En Moldavie, l'ex-Première ministre europhile Maia Sandu a été proclamée vainqueur lors de la présidentielle face au candidat sortant pro-russe Igor Dodon. C'est la première femme à accéder à la présidence dans cette ex-république soviétique, toujours sous influence de Moscou Après le dépouillement de 99,07 % des bulletins, l'ex-Première ministre pro-européenne Maia Sandu a remporté le second tour de la présidentielle, dimanche 15 novembre, en Moldavie. Elle a largement devancé le sortant pro-russe.

Maia Sandu, qui promet une lutte sans merci contre la corruption, a obtenu 57 % des suffrages contre 43 % pour Igor Dodon, visé par des accusations de corruption pendant son mandat de quatre ans.

La victoire de Maia Sandu, 48 ans, première femme à accéder à la présidence dans cette ex-république soviétique balançant depuis des années entre ambitions européennes et rapprochement avec Moscou, risque d'être mal vue par la Russie qui craint de perdre son influence dans la région.

Alors que les résultats complets sont attendus d'ici lundi matin, des célébrations ont éclaté devant le QG électoral de la candidate, dans le centre de Chisinau.

Des scènes de liesse en l'honneur de la nouvelle présidente

"Maia Sandu présidente" et "Un pays pour les jeunes", ont scandé plusieurs dizaines de ses supporters en applaudissant et lui offrant des fleurs, avant de se disperser en pleine nuit.

Igor Dodon, âgé de 45 ans, a reconnu sa défaite au second et félicité sa rivale. "Le décompte préliminaire montre que mon adversaire a gagné cette élection", a déclaré M. Dodon. "Je la félicite", a-t-il ajouté.

La victoire de Maia Sandu augure "une claire baisse de l'influence russe", a constaté pour l'AFP le directeur exécutif de l'Institut de la politique européenne et réformes à Chisinau, Iulian Groza.

Maia Sandu, qui a la réputation d'être incorruptible, "va faire avancer les réformes" et "va pouvoir défendre les intérêts nationaux en dialoguant avec la Russie", a ajouté Iulian Groza.

Économiste de formation, Maia Sandu avait travaillé pour la Banque mondiale (BM) à Chisinau de 1998 à 2005, puis à Washington de 2010 à 2012. Avant son bref passage comme Première ministre, elle avait également dirigé le ministère de l'Éducation.

La Russie, confrontée cette année à des mouvements de protestation en Biélorussie et au Kirghizstan, qu'elle considère comme sa zone d'influence après avoir rompu depuis 2014 ses liens avec l'Ukraine, soutenait ouvertement le président Dodon.

Moscou a par ailleurs accusé Washington d'orchestrer "un scénario révolutionnaire pour la Moldavie en novembre".

Bucarest, qui a de forts liens historiques avec ce pays roumanophone, a de son côté soutenu Maia Sandu.

Un pays européen frappé par la pauvreté

Amputé d'une partie de son territoire, la Transdniestrie, contrôlée par des séparatistes pro-russes, la Moldavie, pays de 3,5 millions d'habitants, figure parmi les plus pauvres d'Europe. Jusqu'à 40 % de sa population, selon les estimations, est partie à l'étranger pour échapper à la misère.

Coincée entre l'Ukraine pro-occidentale et la Roumanie membre de l'Union européenne, la Moldavie a été secouée en 2015 par un énorme scandale de corruption, concernant la disparition d'un milliard de dollars (l'équivalent de 15 % du PIB) des caisses de trois banques nationales.

"Aujourd'hui, vous avez le pouvoir de punir ceux qui vous ont volés, qui vous ont réduits à la misère et contraints de quitter votre maison", a lancé Maia Sandu, dimanche, après avoir voté à Chisinau, dans une allusion claire à son rival.

Maia Sandu avait créé la surprise en arrivant en tête du premier tour de la présidentielle grâce au soutien inédit de la diaspora. Près de 258 000 Moldaves ont voté à l'étranger, un record.
Avec AFP