Nos grandes Européennes
Mary Lou McDonald

Mary Lou McDonald

Née le 1er mai 1969 à Dublin, est une femme politique irlandaise. Elle est la première députée européenne du Sinn Féin, entre 2004 et 2009.
Elle est Teachta Dála, représentant le Sinn Féin au Dáil Éireann et présidente de ce parti depuis février 2018.

Elle étudie la littérature anglaise, «l'intégration européenne » et le « management en ressources humaines » au Trinity College de Dublin, à l'université de Limerick et à l'université de la ville de Dublin. Au cours de sa carrière politique, elle est notamment consultante pour le Centre de productivité irlandais (1998-2000) et chercheuse à l'Institut des affaires européennes.

D'abord brièvement membre du Fianna Fáil, parti de centre droit auquel ses parents appartenaient2, Mary Lou Mac Donald brigue son premier poste en 2002 pour le Sinn Féin, lors des élections générales, dans la circonscription de Dublin-ouest. Elle obtient 8 % des suffrages. Aux élections européennes de 2004, elle devient la première représentante de Sinn Féin au Parlement européen pour la république d'Irlande.
Sa participation en 2003 à une cérémonie en l'honneur de Seán Russell, un dirigeant de l'IRA durant la Seconde Guerre mondiale provoque une polémique lorsqu'elle est candidate au Parlement européen en 2004. En effet, cette personnalité républicaine fait l'objet de controverses pour avoir conclu une alliance militaire avec l'Allemagne nazie, avant de mourir en 1940 sur le sous-marin allemand qui le ramenait en Irlande.

En mai 2007, candidate pour la circonscription de Dublin-Centre aux élections générales, elle ne réussit pas à obtenir la majorité des suffrages. Lors des élections européennes de 2009, elle perd son siège de députée européenne au profit de Joe Higgins, du Parti socialiste.

En février 2011, elle réussit à obtenir la majorité des suffrages pour la circonscription de Dublin-Centre aux élections générales. Elle est réélue lors des élections de 2016.

Elle devient présidente du Sinn Féin le 10 février 2018, succédant à Gerry Adams qui est démissionnaire. Elle en a été auparavant la vice-présidente, de 2009 à 2018, et est la seule candidate à la présidence.

Dans le cadre la campagne pour les éléctions générales irlandaises de février 2020, alors que son parti est crédité d'environ 20 % des intentions de votes, elle assure que la participation du Sinn Féin à un gouvernement de coalition ne serait possible qu'à la condition que se tienne avant 2025 un référendum portant sur la réunification de l'île.

Le Sinn Féin remporte un grand succès lors des élections générales de 2020 en obtenant 24,5 % des suffrages devant le Fine Gael (20,9% ) et le Fianna Fáil (22,2 %)

Ce succès est dû principalement à son programme de rupture avec les politiques austéritaires des gouvernements successifs à Dublin : baisse et gel des loyers, construction de logements sociaux, investissements dans l’hôpital public, refus de tout report de l’âge de départ à la retraite, etc
(Wikipedia)

Mary Lou McDonald, prendre l’Eire

Du sud de l’Irlande, la nouvelle présidente du Sinn Féin incarne le renouvellement d’un parti de plus en plus pro-européen et populaire.
Elle arrive, joviale, dans son bureau du Dail, le Parlement irlandais à Dublin. On a alors la bouche pleine d’un bonbon que son assistant nous a proposé et qu’on a eu l’erreur d’accepter. Sabotage ? Le truc colle terriblement aux dents, on arrive à peine à articuler un bonjour. Elle rit, nous embrasse comme du bon pain et nous propose un café. Mary Lou McDonald rayonne, diffuse une énergie et un enthousiasme contagieux. La dirigeante du Sinn Féin n’a rien de la gravité un peu sévère qu’a toujours affiché son prédécesseur Gerry Adams. Elle sourit beaucoup et parle encore plus. Depuis février, elle a endossé le rôle que Gerry Adams a assumé pendant trente-cinq ans. Lors de son élection, sans rivaux, certains lui glissent, légèrement condescendants : «Vous remplacez une sacrée pointure !» Elle réplique en souriant qu’elle «arrive avec ses propres chaussures».

Le Sinn Féin était un parti d’Irlande du Nord jusqu’à la signature de l’accord de paix en avril 1998. Depuis, il est devenu l’un des plus importants mouvements en République d’Irlande, «avec une multiplication des membres et un vrai changement générationnel». Il attire énormément de jeunes pour lesquels les trente années de Troubles (comme on appelle le conflit nord-irlandais) entre 1968 et 1998 sont une page de l’histoire. On évoque tout de même le passé paramilitaire de certains de ses membres. Elle balaye la question d’un classique «le terroriste de l’un est le combattant pour la liberté de l’autre, rien n’est jamais blanc ou noir». Mais elle s’agace que certains puissent l’accuser d’ambivalence vis-à-vis de la violence. «Je hais la guerre, les conflits et la violence.»

Elle le reconnaît volontiers, impossible d’être «plus différente de Gerry Adams». Déjà, elle vient du sud, de la République d’Irlande, au contraire des grandes figures du Sinn Féin de l’époque des Troubles, nées en Irlande du Nord. Elle a grandi dans le sud de Dublin, dans le quartier cossu de Rathgar. Son père avait sa propre entreprise de bâtiment, sa mère s’occupait des quatre enfants. Elle est la deuxième, après un frère, Bernard, et suivie par des jumeaux, Patrick et Joanne. Scolarisée dans une école privée, «de religieuses françaises», elle a grandi à distance des drames qui noient le nord de l’île. «Gerry Adams, Martin McGuinness étaient au cœur des Troubles, moi, j’ai eu de la chance», dit-elle simplement. Elle naît en 1969, un an après le début des violences qui tueront plus de 3 500 personnes avant l’accord de paix de 1998. Elle a 9 ans lorsque ses parents se séparent. «A l’époque, on ne divorçait pas, c’était illégal ! Quand on avait des parents séparés, on était marqué, on était différent.» Un jour, elle va à la messe avec sa mère, Joan. Le curé parle alors de ces «familles brisées». «Ça a rendu folle ma mère. On n’était pas une famille brisée, on était juste une famille bien dont les parents étaient séparés, c’est tout !»

Elle souligne à quel point aujourd’hui «tout est différent». En quelques années, la société irlandaise a multiplié les actes de modernité, divorce en 1995, mariage pour tous en 2015 et, tout récemment, autorisation de l’avortement. La religion, longtemps si dominante dans la politique irlandaise, au sud comme au nord, est désormais remisée en arrière-plan, ou presque. «On ne peut plus imposer des vues religieuses dans la loi de l’Etat.» Elle discute, en apparence détendue, mais la politique n’est jamais loin.

Sa mère mais aussi sa grand-mère Molly ont joué un rôle important dans son éveil politique. «On discutait politique à table, ma mère signait des pétitions, écrivait des lettres.» «Toutes les familles irlandaises ont une forte tradition politique, on ne peut pas y échapper, ma famille était très républicaine» et affiliée au Fianna Fail, parti de centre droit, où, naturellement, Mary Lou McDonald a fait ses premiers pas en politique. «Mais je voulais une politique sérieuse sur les questions sociales et l’unité de l’Irlande et j’avais le sentiment que le Fianna Fail avait complètement abandonné ces objectifs.» Alors, à 19 ans, elle rejoint le Sinn Féin.
Un engagement logique lorsqu’elle raconte l’anecdote suivante. C’était 1981, l’année de la grève de la faim dans la prison de Maze, en Irlande du Nord, de membres de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), alors bras armé du Sinn Féin. Ils réclamaient le statut de prisonniers politiques. Pour Margaret Thatcher, Première ministre britannique, ils étaient de vulgaires «criminels». «Tout à coup, on voyait les images de ces hommes qui se laissaient mourir de faim. Et ça se passait la porte à côté.» Son anniversaire tombe le 1er mai. «Je venais de fêter mes 12 ans et je me souviens de mon frère Bernard m’annonçant le 5 mai que Bobby Sands était mort.» Neuf autres prisonniers mourront de faim. «Je me suis dit que fondamentalement quelque chose ne tournait pas rond.»

Avant d’être élue, elle a étudié la littérature anglaise, puis les relations industrielles sur lesquelles elle a commencé une thèse de doctorat, jamais terminée. «Une grosse déception, d’autant que je suis la seule des quatre enfants à ne pas avoir de thèse, ça fait mal», dit-elle en riant. Sa thèse a pris le large alors qu’elle obtenait son premier mandat électoral. Sa fille, Iseult, 15 ans aujourd’hui, est née au même moment. Un fils, Gerard, 12 ans, a suivi. Leur père et son mari, Martin, travaille dans l’industrie du gaz. «Il connaît tout des tuyaux et du gaz, c’est fascinant», rigole-t-elle, avant d’ajouter, comme si ça allait de soi «je ne pourrais pas faire ce que je fais sans lui». Ils se sont rencontrés devant un match de football. «Il était celui qui hurlait sur l’arbitre.»

Mary Lou McDonald a été la première députée européenne du Sinn Féin, de 2004 à 2009 et, jusqu’à il y a peu, le parti s’opposait assez vivement à l’Union européenne. «Nous sommes antifédéralistes, contre une défense européenne, l’Irlande est une terre neutre.» Mais le Brexit «a tout changé». Le soutien affiché des Vingt-Six à la situation singulière de l’Irlande - seule frontière terrestre avec le Royaume-Uni et son premier partenaire commercial - a réconcilié le pays et le parti avec l’UE. «Beaucoup d’Irlandais étaient restés amers après la crise financière de 2008.» Ironie absolue, avec cette décision sur le Brexit, les Britanniques pourraient bien avoir «accéléré le processus d’unification de l’Irlande». L’Irlande du Nord a voté en faveur du maintien au sein de l’UE et «les gens, surtout les jeunes, qui n’avaient jamais pensé à leur appartenance européenne, réalisent qu’on peut la leur enlever, contre leur volonté». Pour eux, la seule solution serait de se rallier au sud de l’île. Pense-t-elle vraiment qu’elle verra l’unification de l’Irlande de son vivant ? Elle ne marque pas une seconde d’hésitation : «Absolument.»
Par Sonia Delesalle-Stolper, photo George Voronov pour Libération — 26 juillet 2018 à 17:56 (mis à jour à 18:26)