Nos grandes Européennes
Annegret Kramp-Karrenbauer

Annegret Kramp-Karrenbauer

Annegret KRAMP-KARRENBAUER, la cheffe de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer (56 ans), devient la nouvelle ministre allemande de la Défense ce mercredi 17 juillet. Elle remplace Ursula von der Leyen, élue mardi par le Parlement européen en tant que présidente de la Commission. Le porte-parole du gouvernement Steffen Seibert a confirmé cette information mardi soir auprès des agences de presse allemandes.

Ce choix constitue une « surprise », selon le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), l’actuel ministre de la Santé, Jens Spahn, étant pressenti pour prendre la tête de ce ministère régalien.

Elle prend la tête d’un ministère « considéré comme le plus ingrat du gouvernement », ajoute l’hebdomadaire Der Spiegel. En plus de plusieurs polémiques récentes, la nouvelle titulaire du poste devra gérer des problèmes récurrents de disponibilités des troupes et de matériels.

En difficulté ces derniers mois

Entrée à la CDU dès 1981, Annegret Kramp-Karrenbauer a rapidement grimpé les échelons dans sa région de la Sarre, tissant notamment des liens forts avec ses voisins français. À la tête de ce Land pendant sept ans, elle a été appelée début 2018 à Berlin par la chancelière pour devenir secrétaire générale du parti.

Surnommée « AKK » outre-Rhin, elle a été élue présidente de la CDU en décembre 2018. Pragmatique, ouverte au compromis, modeste, elle a souvent été étiquetée de « Mini-Merkel », et était alors la favorite pour prendre la suite de la chancelière fédérale. Mais son élection à la présidence de la CDU a été plus compliquée que prévu. Elle n’a obtenu en effet que 52 % des voix des 1001 grands électeurs du parti, face au libéral Friedrich Merz.

Le grand parti de la droite allemande est sorti affaibli des dernières élections européennes, surtout en comparaison de la dynamique portée par les écologistes de Die Grünen (« Les Verts » en allemand). De plus, « AKK » s’est retrouvée empêtrée dans une polémique pour avoir accusé de « manipulation électorale » des Youtubeurs à quelques jours du scrutin des européennes.
Ouest-France Fabien CAZENAVE. 17/07/2019

BERLIN

Crise politique en Allemagne. La présidente de la CDU? Annegret Kramp-Karrenbauer, qui était pressentie pour succéder à Angela Merkel, a annoncé qu'elle renonçait à briguer un autre mandat à la tête du parti, faute de pouvoir convaincre ses troupes de l'impossibilité de travailler avec les extrêmes, de droite comme de gauche. Elle prévoit donc de quitter la tête du parti l'été prochain. Le ministre-président nouvellement élu de Thuringe, Thomas Kemmerich, du parti libéral FDP, avait de son côté officiellement démissionné samedi 8 février. Sa victoire avait déclenché une vive controverse dans tout le pays. Les conservateurs songeaient à former une alliance improbable avec la gauche, pour éviter une nouvelle débâcle électorale, ce que AKK a vivement condamné. (Sarah Lawton, Euractiv Allemagne)

Elle a grandi à l’Ouest, elle est catholique, brune, a trois enfants, et c’est une littéraire. A priori, tout le contraire d’Angela Merkel. Mais Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée AKK , partage le même sens de la rigueur que la Chancelière. Angela Merkel, à la tête de la CDU (parti conservateur) depuis 2000, en a même fait sa favorite pour prendre sa succession.

1962. Naît à Volklingen (Sarre)En 1982, le bac en poche, elle quitte la Sarre et s’inscrit à l’université de Trèves, dans la région voisine de Rhénanie, à 80 km de sa ville de Püttlingen. Une échappée de courte durée. Toute juste élue conseillère municipale, elle rentre quatre ans plus tard à Püttlingen. Elle finira ses études de droit et de sciences politiques mais à l’université de la Sarre.

Elue à la tête de la Cdu en février 2018, elle souhaite une Europe forte, explique-t-elle dans une interview exclusive accordée à Ouest France et aux douze quotidiens allemands du groupe Funke (Funke Medien Gruppe (25/08/2018). Elle fait des élections européennes de mai 2019 un affrontement avec les partis populistes.

Comme la chancelière allemande, elle mise sur la recherche du consensus plutôt que sur les grandes déclarations. Comme Angela Merkel, elle doit se défendre contre les barons du parti. Et comme elle, elle sait l’importance d’une stabilité européenne pour les intérêts allemands.
Annegret Kramp-Karrenbauer durant son interview | RETO KLAR

Les élections européennes de mai pourraient être l’occasion d’une forte percée des partis de droite populiste et radicale. Quelle est votre stratégie face à cette tendance ?

L’objectif de ces élections doit être d’obtenir une majorité pro-européenne qui permette au Parlement européen de fonctionner correctement. La grande opposition, et cela sera le cas en Allemagne aussi, se fera face à ces partis populistes qui refusent l’Europe et jouent sur la nostalgie nationale. Nous défendrons l’idée que c’est dans l’intérêt de l’Allemagne d’avoir une Europe forte et en état de fonctionner.C’est seulement dans cette constellation, et cela vaut aussi bien pour la France, que nous pourrons défendre nos intérêts au niveau mondial. Cela ne concerne pas seulement l’économie mais aussi notre modèle de société.Notre programme politique sera clairement pro-européen, mais cela n’empêche pas de se montrer critique quand besoin est. La politique migratoire est un défi pour l’ensemble de l’Europe et la réponse européenne actuelle, que ce soit sur les frontières extérieures ou la répartition des réfugiés, n’est pas satisfaisante.

Dans la perspective des élections européennes, comment jugez-vous la période difficile que traversent vos alliés français, Les Républicains ?

Actuellement tous les partis traditionnels sont dans une situation difficile en France, pas seulement LR. Je suis une fervente supportrice des partis établis, dans le sens où ils sont basés sur un programme. Nous sommes donc toujours en contact régulier avec LR et nous réfléchissons dans le cadre du Parti populaire européen (PPE) comment aborder cette campagne. Nous discutons avec nos alliés français à propos de leurs positions critiques vis-à-vis de l’Europe mais cela fait partie des discussions inhérentes à un grand groupe comme le PPE.

Emmanuel Macron plaît à beaucoup d’Allemands, y compris au sein de votre parti. La CDU a-t-elle envisagé de se rapprocher du mouvement En Marche ?

La difficulté, c’est qu’une telle coopération ne pourrait avoir lieu que si En Marche se positionnait clairement parmi les familles politiques existantes au Parlement Européen. Or le caractère de ce mouvement est de se servir parmi les différentes familles : droite traditionnelle, libéraux, socialistes. Je pense que ce ne serait donc pas dans l’intérêt de ce mouvement de se positionner aussi clairement.

La France et l’Allemagne se sont mis d’accord en juin sur un budget de la zone Euro, quelles sont les prochaines étapes pour que ce projet se réalise ?

La première question sera de savoir si nous réussissions à établir un budget européen pour les prochaines années en amont des élections européennes. C’est fondamental pour pouvoir aborder les dossiers suivants. Sur le budget même de l’Eurozone, la rencontre Macron-Merkel à Meseberg a permis de trouver un compromis sur le volume. Au-delà de ce budget de la zone Euro dont on parle beaucoup, il y a d’autres points de discussions entre nos deux pays, comme la question de la convergence qui intéresse particulièrement les Français. Ou celle de la défense des frontières extérieures. Mais aussi sur les possibilités à offrir aux jeunes pour qu’ils puissent découvrir de façon plus intensive l’Europe.

Vous venez d’une région frontalière à la France, quel élan souhaiteriez-vous donner personnellement aux relations entre les deux pays ?

Avec la « Frankreichstrategie » de mon gouvernement de Sarre qui concerne l’enseignement du français dans cette région, nous avons insisté sur la question du plurilinguisme, sur le fait qu’il devrait être évident de grandir en apprenant la langue du voisin. Je souhaite insister sur le rôle des régions transfrontalières. L’Europe au quotidien, avec ses bons et ses mauvais côtés, se joue dans ces régions. Je souhaiterais que soient offerts plus de libertés et de moyens pour que ces régions puissent tenter des expériences qui pourraient, en cas de succès, être appliquées au niveau régional.

La CDU vous a offert des premiers mois relativement turbulents. La querelle très dure sur la politique migratoire, a poussé le gouvernement et l’Union de la droite au bord du précipice et a fait chuter la droite dans les sondages. Combien de temps peut durer la trêve actuelle avec la CSU ?

En tant que présidente de région, j’ai été habituée à la résolution de crises. Mais je ne connaissais pas une intensité telle que celle que nous avons eue avant la pause estivale. Ce fut un conflit très engagé mais qui a souvent dépassé les bornes. Les règles de dialogue et de bonne tenue qui caractérisent normalement notre parti traditionnel ont été bafouées. Il s’agissait en réalité d’une question essentielle : Lorsque nous sommes dans une situation politique urgente, et c’est le cas de la politique migratoire, nous appuyons-nous sur une solution européenne ? Au final, nous avons trouvé un bon compromis réalisable. […] L’un des plus gros obstacles doit encore être surmonté : un accord avec l’Italie. Mais je suis confiante, que nous arrivions à trouver une solution ensemble.

Dans plusieurs Länder allemands, les Églises procèdent à leur propre « droit d’asile religieux », qu’en pensez-vous ?

Ceux qui s’engagent dans les Églises ne peuvent pas partir du fait qu’ils agissent en dehors du droit national. Malgré tout, l’État, ces dernières années, s’est mis d’accord avec les Églises pour que les paroisses puissent accueillir des réfugiés en situation humanitaire particulière, mais en suivant certaines règles. Les paroisses doivent par exemple enregistrer ceux qui se trouvent en situation d’asile chez eux. […] Je pense que les règles encadrant cet « asile par les Églises » ne sont pas trop sévères.

Pour rassurer votre électorat, vous avez relancé le débat sur le service militaire. Mais la position de la CDU est encore peu claire.

Lors de ma tournée de rencontres avec les militants CDU, il est apparu que beaucoup d’entre eux souhaitent une réintroduction du service militaire ou d’un service civil obligatoire. Ils ont l’impression que la balance entre les droits et les devoirs d’un citoyen est déséquilibrée, à une époque où on a l’impression que les gens ne s’intéressent plus qu’à eux-mêmes. Un service pour la société et pour la patrie pourrait renforcer cette cohésion.

Est-ce que ce service sera obligatoire ?

Il y a au sein de la CDU une grande sympathie pour un service obligatoire. Pour ma part, je ne suis pas complètement décidée. Ma mère m’a toujours raconté comment elle avait dû se soumettre à un service obligatoire pendant l’époque nazie. C’est quelque chose qui me reste en mémoire.

Quelle durée prévoyez-vous pour ce service ?

Beaucoup de propositions envisagent une durée d’un an, pour les hommes et les femmes. Et elles envisagent également que cela ne concerne pas seulement les citoyens allemands, mais également les réfugiés et les demandeurs d’asile qui sont majeurs et vivent en Allemagne. C’est un point que je trouve intéressant. Si les réfugiés effectuent un service de ce genre, obligatoire ou volontaire, cela participe à leur intégration dans la société et dans le pays. Et cela pourrait augmenter l’acceptation de notre société vis-à-vis des réfugiés qui vivent ici.

Comment réagissez-vous à cette étiquette, reprise par les médias, de « successeur souhaitée d’Angela Merkel » ?

Ma vie et certaines interviews seraient sans doute un peu plus faciles sans ce titre. Mais je ne peux pas non plus effacer cette appellation. Angela Merkel et moi-même pouvons très bien vivre avec cette étiquette.

Quelle direction souhaiteriez-vous donner le parti ?

Le grand défi de la CDU sera de conserver ce statut de grand parti populaire pour l’avenir. La force de la CDU consiste à être une plate-forme pour de nombreux courants différents. Je suis un pur produit de la CDU car vous pouvez me retrouver avec des positions politiques très différentes selon les sujets. Nous devons prouver que nous sommes le parti populaire du centre. Nous devons avoir une palette assez large pour que chacun puisse se sentir chez soi dans notre parti.



Allemagne : en 100 jours, Annegret Kramp-Karrenbauer s'est fait un nom

La nouvelle présidente de la CDU a réussi en peu de temps à se démarquer d'Angela Merkel. Et elle a évité que la CDU ne s'entredéchire.
De notre correspondante à Berlin, Pascale Hugues
Modifié le 18/03/2019 à 09:48 - Publié le 18/03/2019 à 09:26 | Le Point.fr

La nouvelle presidente de la CDU essaie de se demarquer en exposant avant tout une vision du monde et de la politique beaucoup plus conservatrice que d'Angela Merke

Mini-Merkel. C'est le surnom moqueur qui courait sur toutes les lèvres quand, il y a tout juste 100 jours, Annegret Kramp-Karrenbauer prenait la tête de la CDU. Ravie, Angela Merkel passait le flambeau à sa favorite. Les deux femmes se respectent, ont toujours été très proches et se font confiance. La première mission de celle que tout le monde s'est dépêché d'appeler « AKK » pour éviter de trébucher sur son nom imprononçable fut donc de prendre ses distances vis-à-vis de la chancelière et de démontrer qu'elle n'est ni un clone ni une exécutante des ordres venus d'en haut.

Depuis le mois de décembre, la nouvelle présidente de la CDU essaie tant bien que mal de se démarquer en exposant avant tout une vision du monde et de la politique beaucoup plus conservatrice que celle d'Angela Merkel. Il y a eu la mauvaise blague faite au carnaval cette année : Annegret Kramp-Karrenbauer, un béret sur la tête, se moque du « troisième sexe ». Il y a eu ses prises de position ouvertes sur l'interdiction de la publicité pour l'avortement et, tout récemment, son conseil aux parents dont les enfants vont manifester pour le climat le vendredi. Si elle était à leur place, Annegret Kramp-Karrenbauer interdirait à ses enfants de sécher les cours. Par ses prises de position, AKK espère séduire l'aile conservatrice de la CDU et peut-être ramener au bercail ceux qui se sont égarés et ont voté pour l'AfD, le parti populiste.

En organisant des ateliers de discussion au sein de son parti – une sorte de mini-grand débat – autour de la question de l'arrivée massive de réfugiés en 2015, Annegret Kramp-Karrenbauer a voulu libérer la parole et donner aux chrétiens-démocrates critiques l'impression que la direction du parti les entend. Elle ne cesse de rappeler qu'« il s'agissait d'une situation absolument exceptionnelle » et ne laisse planer aucun doute : avec elle, la politique migratoire sera moins souple. Dans une interview à la télévision, AKK va jusqu'à dire que, en dernière instance, elle envisagerait la fermeture des frontières de l'Allemagne. Une option qu'Angela Merkel a toujours catégoriquement écartée quand elle était à la tête de la CDU.

Moins libérale qu'Angela Merkel, cette catholique pratiquante originaire de la Sarre, le petit Land frontalier de la France, a aussi voulu prendre les devants et montrer que, sur les grands dossiers politiques, elle ne se contente pas d'un rôle de potiche. C'est elle, et non la chancelière, qui a répondu très fermement aux propositions publiées au début du mois par Emmanuel Macron dans le journal Die Welt. Pour la première fois, Annegret Kramp-Karrenbauer a présenté sa vision de l'Europe et posé le pied sur le parquet international.

Enfin, et c'est peut-être le bilan le plus positif de ces cent premiers jours : Annegret Kramp-Karrenbauer est parvenue, après avoir été élue de justesse, à éviter que les différents courants au sein de la CDU ne s'entredéchirent. Elle a rallié les partisans de ses rivaux, le conservateur Friedrich Merz et le ministre de la Santé Jens Spahn, tous les deux très critiques vis-à-vis d'Angela Merkel. Elle a évité ainsi une guerre de tranchées à l'intérieur de son parti. En peu de temps, AKK a grimpé au baromètre des personnalités politiques préférées des Allemands. En février, juste avant sa gaffe de carnaval, AKK talonnait Angela Merkel en deuxième position. Elle reste dans le peloton de tête. Une popularité étonnante pour une chef de parti sans fonction au sein du gouvernement

Quant à savoir si l'ancienne ministre présidente de la Sarre, le plus petit Land allemand, aura les épaules assez solides pour gouverner un pays de 80 millions d'habitants… Il lui reste le temps de faire ses preuves. À condition que les élections aient lieu, comme prévu, en 2021.