Nos grandes Européennes
Barbara Hendricks : Les femmes pour une refondation de l’Europe des valeurs

Barbara Hendricks : Les femmes pour une refondation de l’Europe des valeurs


A l’occasion de sa venue pour Citoyennes pour l’Europe le 9 mai 2019, Barbara Hendricks a prononcé ce discours, repris ensuite dans la Revue de l’Union européenne.

Au cours des dernières années, l’Europe a connu une résurgence de l’extrémisme, du repli sur soi et de l’égoïsme, accompagnés d’un rejet du projet européen.

L’Europe est, la plupart du temps, mal connue, souvent accusée de tous les maux et prise comme bouc émissaire dans un jeu politique cynique. Le Parle- ment européen – pourtant directement élu par les citoyens – peine à accomplir son rôle de relais et de médiateur. Trop souvent, il offre une tribune aux europhobes et aux populistes qui caricaturent l’Europe. Il ne faut plus laisser le projet européen à ceux qui le critiquent à des fins poli- tiques. Il faut que ceux qui croient dans les idéaux du projet se le réapproprient dans ce qu’il a de plus noble : une certaine idée de l’humanité et du progrès, fondée sur les libertés, l’égalité de droit, la démocratie et la solidarité. Cela implique de se mobiliser et de soutenir ceux qui veulent refonder l’Europe et la rapprocher des citoyens. Il s’agit en particulier de faire connaître ce que la construction européenne apporte à chacun et à chacune en termes de droits, d’avantages et de progrès et de faire la démonstration que, dans le monde multipolaire dans lequel nous vivons, il n’y a pas d’alternative au projet de paix et de protection qu’est l’Europe. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’enjeux mondiaux inéluctables comme la protection de l’environnement, la survie des espèces et un meilleur partage des richesses. Trois domaines dans lesquels le rôle de l’Europe est décisif, mais pour lesquels elle peut et doit vraiment beaucoup mieux faire. Les prochaines élections européennes seront à cet égard d’une importance capitale. Convaincue que les femmes ont un rôle fondamental à jouer pour configurer l’avenir, j’avais tenté de réunir des femmes, de tous âges et horizons venant des États membres de l’Union européenne – et surtout mes jeunes sœurs – dans les domaines de la politique, des arts, de la science et du journalisme, des activistes et des membres de la société civile pour lancer une mobilisation féminine concertée.

L’Europe est, la plupart du temps, mal connue, souvent accusée de tous les maux et prise comme bouc émissaire dans un jeu politique cynique.

L’idée était d’enrôler des femmes, comme candidates, comme activistes et comme citoyennes dans la campagne pour les élections européennes de juin 2019 et de créer un réseau afin de :

  • faire passer un message positif sur l’apport de l’Europe dans la vie quotidienne de chacun et sur la protection qu’elle offre en termes juridiques, sociaux, éducatifs et sanitaires ;
  • souligner la base éthique du projet européen (refus de la guerre et de la haine, libertés démocratiques, les mêmes droits pour tous, progrès économique et social) ;
  • contribuer à faire élire un Parlement européen et une Commission européenne avec une représentation 50/50 femmes/hommes constitués de promoteurs de la construction européenne et de ses idéaux. 
Ce réseau devait être lancé à l’issue d’une rencontre entre femmes faiseuses d’opinion en début d’année. Pour une série de raisons, cela n’a pu se faire et je le regrette. 
En effet, les élections à venir concernent au premier chef les femmes, car elles ont le plus à gagner et à perdre dans le pro- jet européen : principales bénéficiaires du progrès de la société, elles sont aussi les premières victimes de sa régression. 
Cibles privilégiées de la violence et de la discrimination, elles connaissent le péril du discours de haine, de suprématie et d’exclusion. Elles tiennent aux droits et acquis que les grands textes fondateurs européens – la Convention européenne des droits humains et la Charte des droits fondamentaux – leur ont apportés et ne sont pas prêtes à y renoncer. Souvent trophées de guerre, elles mesurent le prix de la paix que le projet européen a assurée. Animées par la conviction qu’une Europe fidèle à ses principes fondateurs et à ses valeurs sera au bénéfice de tous, les femmes doivent peser sur les élections européennes de 2019 et en faire comprendre les enjeux. Dès lors, l’engagement des femmes est non seulement une responsabilité, mais aussi une nécessité. 
Heureusement aujourd’hui les femmes refusent de se taire face aux défis et aux dangers de l’époque. Elles s’organisent et s’ex- priment dans la sphère publique et politique car elles se savent en première ligne. 
Elles sont des médiatrices idéales et recèlent un gisement d’énergie, de talent et d’efficacité. Elles sont souvent plus proches du terrain et des problèmes du quotidien. Enfin, elles aiment et savent travailler efficacement en réseau.

Mon espoir est que les résultats des prochaines élections nous donneront une Union européenne qui met en œuvre l’égalité femmes-hommes dans le processus décisionnel politique, qui garantit l’indépendance économique des femmes, une Europe libérée de toute violence à l’égard des femmes et qui consacre des ressources aux droits humains des femmes, donc une Europe qui apportera paix, sécurité et dignité humaine à tous.

Quand les femmes d’Europe réussissent, leurs enfants et leurs communautés réussissent et l’Union européenne pourra être à la hauteur des idéaux sur lesquels elle a été fondée.

Qui mieux que Simone Veil – à qui j’aimerais que cette Journée de l’Europe soit dédiée – a su décrire ce grand dessein européen : « Se fixant des grandes ambitions, l’Europe pourra faire en- tendre sa voix et défendre les valeurs fortes : la paix, la défense des droits humains, davantage de solidarité entre les riches et les pauvres. L’Europe est le grand dessein du XXIe siècle ».

(Elle a ajouté que « l’Europe doit être le carrefour de la liberté et de la solidarité », mais rappelons-nous que la liberté n’est pas donnée : elle doit être gagnée par chaque génération et exige une vigilance constante).

Au lendemain des élections européennes et alors que nous ne dis- posons pas d’une analyse poussée des résultats, je voudrais néanmoins exprimer ma grande satisfaction de voir la participation électorale en hausse ainsi que mon soulagement de constater qu’au Parlement européen les forces pro-européennes restent largement majoritaires. Je suis également confortée par le fait que dans de nombreux pays les enjeux climatiques et environnementaux semblent enfin avoir été compris.

Toutefois il est important de ne pas baisser la garde. Les forces populistes et europhobes ont fortement progressé et ceci dans de nombreux pays d’Europe. Il est maintenant de la responsabilité des forces pro-européennes de s’unir pour construire l’Europe que les jeunes – qui se sont fortement mobilisés pour aller voter – nous appellent à mettre en place : une Europe démocratique, respectueuse du climat et des citoyens, socialement et économiquement juste. Je compte particulièrement sur mes sœurs, les élues femmes pour ne pas rater le rendez-vous que nous avons avec l’histoire. Nous en sommes comptables devant nos enfants et petits-enfants.